Deux chevreuils

 

Du brouillard ténu depuis des jours

comme un couvercle gris et lourd.

Mon pays doucement enveloppé dans un voile blanc.

Le vent s’est endormi dans les buissons transis de froid.

Les sommets des sapins n’ont plus envie de balancer.

La trace congelée d’un lièvre se perd

dans les broussailles noires.

Dans le lointain la scie criante

de l’ouvrier en forêt

et quelques chants des oiseaux

qui ne savent qu’on ne supporte pas le brouillard.

 

Et puis, il n’y a plus rien.

Rien que le crissement de mes pas.

Parfois une branche qui me donne un croc-en-jambe.

Je presse mon haleine chaude dans le cache-nez.

Soudainement un craquement dans le taillis.

Je m’arrête.

Ça doit être le sylvain.

Dans une clairière – deux chevreuils

tranquilles et même attentifs.

Je les salue avec un signe hésitant.

 

Et voilà quelques rayons blafards du soleil

glissant à travers le branchage engourdi

sans s’annoncer.

Les deux chevreuils m’observent sans bouger.

Ils ont l’air timide.

Mais ils ne s’en soucient pas.

Ils ont le regard d’une confiance aveugle.

Mais ils ne s’en soucient pas.

Ils bougent gracieusement.

Mais ils ne s’en soucient pas.

Ils s’éloignent de moi d’une élégance sans pareil.

Mais ils ne se soucient pas

de mes pensées.

 

Et moi, je continue mon chemin.